Fabian Biasio a eu l’occasion d’accompagner des partisans de l’UDC (Union Démocratique du Centre, parti conservateur très à droite de l’échiquier politique suisse) durant toute la législature 2003–2007. C’est durant cette période que Christoph Blocher, le grand tribun de l’UDC, a été propulsé au Conseil fédéral. Ce travail personnel a débouché sur une mise en perspective presque ethnologique: «Je me sentais comme un chercheur qui découvrait un monde jusqu’ici inaccessible – des personnes avec lesquelles il est normalement si difficile d’échanger». Photographiés dans l’intimité familiale, les portraits de Biasio offrent un angle de vue unique sur la base du parti et se détachent des électeurs de l’UDC dans leur clan retranché: un pot-pourri fait d’armoires campagnardes, de vieux carrelages, de murs sombres, d’appareils d’entraînement, d’art champêtre, de vieilles poupées et de rideaux plastifiés. Chaque portrait est placé à côté d’une photographie d’un paysage : le paysage préféré de la personne photographiée.
Les sujets se montrent délibérément sûrs d’eux, presque entêtés. De manière sous-jacente, on ressent toutefois le malaise qui s’exprime. Les jambes sont croisées, les bras maladroitement portés. Biasio va capter le langage corporel à de nombreuses occasions, par exemple au travers de cette image d’Ueli Maurer surpris par une sommelière, son fusil à la main, mais avec l’expression maladroite et tellement humaine d’un enfant taquin. Les photographies de Biasio sont soigneusement composées, les moments choisis ne sont pas laissés au hasard. L’observateur sera peut-être conforté dans ses préjugés et aura l’impression d’observer un monde un peu grotesque. Ce point de vue dépend toutefois du spectateur. Biasio n’a pas le regard cynique d’un Martin Parr. Il n’impose pas sa perception et garde volontiers une certaine distance avec son sujet. Jusqu’à un certain point, il le laisse même se mettre en scène, faisant ainsi un pas vers l’autoportrait : «Durant ma sélection d’images, il me tenait à coeur de ne pas représenter une réunion d’allumés». Biasio cite volontiers le photographe Alec Soth qui pense que dans le portrait on ne «capture» jamais complètement la personne en face de soi : «Si une photographie devait vraiment documenter quelque chose, ce serait avant tout la distance qui me sépare du sujet». (Simon Stähli)
Année de production : 2003-2007
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