Europe 1999-2004
Ingouchie – Grozny – Moscou – Ukraine – Fuerteventura – Suisse – Milan – Bradford
Réfugiés de guerre, réfugiés économiques, émigrants, immigrants, personnes déplacées, demandeurs d’asile: la multiplicité des expressions utilisées ne fournit qu’une image incomplète des raisons à l’origine de l’exil. Ici et là, on s’interroge sur le bien-fondé des motivations qui poussent certains à endosser le statut de réfugié. Quels que soient leurs destins, tous ces gens ont quelque chose en commun: ils ont perdu leur patrie et sont dans l’attente d’un avenir meilleur. Cette perte est une expérience décisive et souvent traumatisante. La plupart des apatrides passent d’une situation provisoire à une autre.
Toutes sortes d’endroits leur servent de chez-soi: tentes, prisons démantelées, baraquements, appartements faits d’une seule pièce bondée, anciennes installations militaires, fabriques désertées. Au prix d’une incroyable débauche d’énergie, ces «non lieux» revêtent un semblant de sphère privée. Chaque angle, chaque objet y concourent. En témoignent la prière silencieuse dans cet appartement exigu, cette corde à linge dans l’ancienne fabrique de ciment ou encore ce jeu avec le tuyau d’arrosage abandonné. Et puis toujours cette attente, cette condamnation à l’inactivité, à garder l’espoir, avant de sombrer à nouveau dans le désenchantement. Beaucoup de logements sont consciemment mal entretenus, car ils ne doivent en aucun cas inviter à l’enracinement. Les gens qui les habitent sont des personnes censées repartir aussi vite qu’elles sont arrivées. Seules les statistiques de l’asile doivent conserver une trace de leur passage.
Les apatrides sont les témoins de la guerre, de la misère, bref d’une situation insoutenable. Or qui voudrait se souvenir de cela?
