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Journées photographiques de Bienne, 3.–26.5.2024

Park
Stefan Jäggi

Que ce soit dans ses reportages photographiques, ses paysages ou ses portraits, Stefan Jäggi dresse, avec une acuité pleine d’humour et de cynisme, un portrait tendre de la « suissitude » contemporaine.

Pour sa série «Park» (2006—2007) Jäggi a fixé son objectif dans divers parcs de loisirs et d’attraction suisses : Parc Aventures, Magicpark, Connyland ou Schongiland… Si, dans notre inconscient, ces lieux riment avec plaisir, détente et enchantement, ils résonnent, dans le travail de Jäggi, avec étrangeté, désolation et clôture. Désertés, ils s’affirment en totale opposition à la magie des légendaires parcs d’attraction tels que Disneyland; l’endroit par excellence où s’estompe la frontière entre la vie réelle et les merveilles des dessins animés, entre la réalité et l’illusion.

Il n’y a pas de référents chez Jäggi, seulement des architectures désuètes et des attractions démodées posées dans un décor silencieux et austère. Pas de spectacles d’otaries ni de dauphins joueurs. Pas de manège à sensations, appareils à vertige et autres engins de rotation, d’oscillation, de chute, construits pour provoquer une panique viscérale. Aucune foule s’égosillant, seulement des lieux dépeuplés, des parcs exigus et hermétiques, à l’image du pays qui les accueille. Ici le décor seul provoque l’effroi. A croire que ces sites n’ont de magique que le nom qu’ils portent. Le rêve américain est anéanti mais ce n’est ni mieux ni moins bien. En effet, baigné de soleil et surexposé, le sujet se fige sur le négatif. Extrait de son contexte il devient icône, symbole, véritable artefact culturel helvétique.

Jäggi collabore régulièrement avec l’agence suisse Keystone. Or, loin des événements insolites privilégiés par le photographe de presse qui se doit de « faire une grande photo », cette photographie là se veut quasi documentaire et se plaît à fréquenter le familier, le quotidien. Autant par la technique que par le sujet, on est loin du medium glacé, travaillé avec netteté et retouché avec une précision propre aux images publicitaires ou aux cartes postales des offices de tourisme. Au contraire, ces images, qui relèvent du folklore urbain dans ses aspects les plus reconnus, troublent par leur banalité. Voiture ou panneau de circulation, logo commercial, poubelle ou cabine de chantier, tout ce qui n’apparaîtrait pas sur une publicité est ici volontairement mis en évidence.

Ainsi ce ne semble pas tant être le sujet en tant que tel qui intéresse Jäggi que son interprétation nécessairement critique, poétique voire humoristique. Ni surestimés ni sous-estimés, ces lieux sont empreints, à travers son objectif, d’une signification nouvelle. Jäggi ne dit pas au spectateur comment il doit ressentir le sujet, il affirme tout simplement qu’il existe et qu’il vaut la peine d’être regardé.

Anne Jean-Richard

Catalogue

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